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TPE 1L 2008
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19 novembre 2008

Étude comparée générale de La Princesse de Clèves de Madame de Lafayette et du film La Belle Personne.

affiche_lbp


    Très étudié en France dans les classes de collège et de lycée, La Princesse de Clèves n'est pourtant pas le premier titre qui nous vient aux lèvres lorsque l'on nous demande de citer un exemple de mythe amoureux. Il présente malgré tout de nombreux éléments essentiels à la création du mythe, comme le coup de foudre, suivi pour les deux héros de souffrances, amenées par l'impossibilité de leur relation. C'est peut-être parce que Madame de Lafayette a choisi d'insister sur le sacrifice de l'héroïne dans sa lutte contre la passion que cette histoire, pourtant très forte symboliquement, n'a pas autant marqué les esprits que Tristan et Iseult ou Roméo et Juliette (étudié plus loin), par exemple.
    En Janvier 2008, le réalisateur Christophe Honoré décida de se lancer dans l'adaptation de ce roman, considéré par beaucoup comme le premier roman moderne, afin de couper court à « l'idée qui traînait derrière les mots de Nicolas Sarkozy : que la culture n'est pas pour tout le monde, qu'elle est socialement déterminée, réservée aux nantis ». (Voir discours de Nicolas Sarkozy, lorsqu'il n'était pas encore président de la République (http://www.wikio.fr/video/335479). Sa volonté était donc de montrer que l'histoire de la princesse de Clèves n'est pas tombée en désuétude et mieux, qu'elle est moderne et accessible. Dans ce but, le réalisateur décida de transposer l'intrigue (qui se passe initialement au XVIe siècle, sous le règne d'Henri II) dans un lycée du XVIe arrondissement de Paris, de nos jours. Nous allons voir ici ce que cette transposition cinématographique peut apporter à la création d'un mythe amoureux moderne.

 

mosaique_lbp

 

 

     Comme nous l'avons dit précédemment, les premières différences notables entre le livre et le film concernent le cadre spatio-temporel. En effet, le passage de la Cour d'Henri II au XVIe siècle à un lycée parisien du XVIe arrondissement marque la volonté du réalisateur d'apporter de la modernité au texte, tout en gardant un maximum d'authenticité, en choisissant un lieu qui reste proche de l'original (le XVIe arrondissement est un des quartiers bourgeois de Paris). C'est à la fois le cadre dans lequel sont filmés les adolescents, le lycée Molière, avec ses galeries ouvertes et ses balcons, qui permet aux adolescents d'être perpétuellement en représentation, et les personnages eux-mêmes, qui semblent à la fois modernes et sortis d'une autre époque, de part leurs vêtements, souvent peu modernes, leurs coiffures etc, qui permettent de rendre l'adaptation à la fois crédible et moderne.
     Évidement, les personnages deviennent des adolescents d'une quinzaine d'années, en remplacement des adultes, dominants dans
La Princesse de Clèves. De plus, la plupart des personnages ont conservé leurs noms respectifs dans l'adaptation de Christophe Honoré : Le roi Henri II devient Henri, jeune homme orgueilleux et pédant, la Reine Catherine de Médicis devient Catherine, personnage peu présent dans le film, la Dauphine Marie Stuart devient Marie, l'ancienne maîtresse de Nemours, toujours amoureuse de lui, etc.
     Dès la première scène, on remarque la volonté du réalisateur de transposer l'atmosphère qui régnait à la cour d'Henri II dans la salle de classe. Les adolescents semblent tous en représentation, les regards se croisent, tout le monde semble épier tout le monde, en silence. Le réalisateur a aussi souhaité, à moindre mesure, conserver le langage précieux, cher à Mme de La Fayette, en le disséminant tout le long du film. On retiendra la réplique de Marie, après sa rupture avec Nemours : « C'est bête, j'ai comme une très grande douleur de vous quitter monsieur », qui s'oppose au langage qu'elle utilise précédemment
.
Enfin, le film conserve les moments clés du livre : le vol du portrait, l'intrigue autour de la lettre, etc.

 

nemours_junie_salle_de_classeportrait_junie

 

      Mais pour coller à l'esprit du livre et probablement aussi pour limiter la durée du film, ces moments ont évidement dû être réécrits. Le vol du portrait est dans le film consécutif à la première rencontre entre Mlle de Chartres (Junie) et M de Nemours, et l'intrigue autour de la lettre permet d'ajouter une intrigue secondaire, autour des liaisons homosexuelles du vidame de Chartres, appelé Matthias dans le film. Concernant ce passage, le réalisateur a choisi de très peu montrer la réaction de Junie après la lecture de la lettre, laissant le spectateur l'imaginer, selon son propre caractère, ses idéaux... : certains penseront qu'elle a pleuré, et d'autre penseront au contraire qu'elle est restée stoïque. A l'inverse, dans le livre, Mme de Lafayette insiste longuement sur le sentiment de jalousie qu'éprouve la princesse… Ces intrigues supplémentaires sont l'occasion pour notre héroïne d'observer les méfaits de l'amour secret et passionnel. Toutes les intrigues secondaires semblent d'ailleurs présentes pour mettre en garde l'héroïne. L'histoire de Mme de Tournon, racontée à Junie par le prince de Clèves (Otto), est une nouvelle occasion pour elle d'observer à quel point les relations qu'entretiennent les personnages du film sont basées sur le mensonge, l'hypocrisie.
     Le réalisateur a aussi choisi d'ajouter un obstacle supplémentaire, entre Nemours et l'héroïne : Nemours est dans le film professeur d'italien et Junie est son élève. Cela implique donc une forte différence d'âge entre eux, et rend la relation évidement encore plus impossible. De plus, leur différence d'âge implique aussi une différence de pensée : Junie est persuadée que la passion est un sentiment égoïste, tandis que Nemours pense qu'« avoir le courage de ses sentiments, ce n'est pas si facile ». Nous avons donc deux visions différentes et presque opposées de la relation amoureuse : celle d'une adolescente, plus idéalisée, et celle d'un adulte, plus réaliste. C'est aussi cette différence de pensée qui empêche leur relation de fonctionner et même d'exister, puisque Junie ne cédera jamais  à ses passions, leur préférant la raison.
     Enfin, le choix fait par le réalisateur pour la mort d'Otto (le prince de Clèves), montre une envie de moderniser l'histoire : le suicide rend la mort plus frappante pour le spectateur, et permet de mettre en valeur la culpabilité de Junie dans cette mort. De plus, la mort lente de M de Clèves dans le roman est plutôt difficile à représenter dans un film. Le réalisateur Christophe Honoré a aussi changé le nom de l'héroïne : elle s'appelle dans le film Junie, nom qui renvoie à la mythologie racinienne, Junie étant un des personnages de la tragédie
Britannicus, qui à la fin de la pièce préfère se faire vestale, afin de ne pas épouser Néron qu'elle déteste. Ce choix de prénom est donc symbolique, car il fait allusion au personnage de Racine, et renvoie aussi au personnage originel de la Princesse de Clèves, qui s'enfuit au couvent.

junie_nemours


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